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28 Articles

—Dans le sillage du mot « conversations » en couverture de ce numéro, il faut imaginer que d’autres mots frères lui font écho : dans le désordre, dialogue, confrontation, échange, collision, transversalité, croisement, stimulation, fluidité, ouverture, collaboration, émulation, partage… Au cours de ces quinze dernières années, Vogue Hommes s’est déployé autour d’eux. En réconciliant passé et présent, jeunesse et maturité, classique et avant–garde, masculinité et féminité, mode et style, identité et personnalité, convention et rébellion, ici et ailleurs, « normal » et étrange, essentiel et superficiel. La créativité à cœur, toujours. Il y a aussi les conversations au sens littéral, et celles publiées dans Vogue Hommes ont un je–ne–sais–quoi que les autres n’ont pas. Au–delà du casting rutilant — Karl Lagerfeld, Calvin Klein, Brigitte Bardot, Pierre Bergé, Joan Collins, Charles…

LE KIF O’KEEFFE

—Quand Alfred Stieglitz rencontre Georgia O’Keeffe, il a 52 ans, c’est un photographe, peintre et galeriste internationalement renommé pour son avant–gardisme, elle est une prof d’arts plastiques au Texas de 28 ans totalement inconnue. La passion artistique et charnelle qui va les emporter dans une tumultueuse épopée commune — jusqu’à une exposition de leurs deux oeuvres mêlées, seule et unique du genre, aux Anderson Galleries de New York en 1924, l’année de leur mariage — se déploie dans une incroyable correspondance comptant quelque 4 500 lettres dont certaines font jusqu’à quarante pages ! Écrite pour lui dans un style morcelé, pour elle dans une langue plus déliée, c’est une joute de mots et une jouissance de notations à l’ère de l’encre et du papier dont on trouverait l’équivalent aujourd’hui au…

LE KIF O’KEEFFE

LES VOGUEHOMMANIES

OTHONIEL, D’ART ET DIOR Élu depuis 2018 à l’académie des Beaux–Arts, Jean–Michel Othoniel sera bientôt prêt pour son installation au fauteuil n° 5 (celui qu’occupait auparavant Eugène Dodeigne) : Kim Jones lui a dessiné pour DIOR HOMME son costume aux rameaux d’olivier. L’exercice est très normé : c’est un costume noir que l’on appelle « habit vert » depuis sa codification en 1801, et où les branches de l’arbre s’épanouissent le long de la jambe, sur les poignets et de part et d’autre de l’ouverture du frac. Pour Jean–Michel Othoniel, les ateliers Dior ont peint à la main le motif à même le tissu, avant de le rebroder de fils de métal, de soie et de coton puis de le rehausser de perles de verre, le matériau de prédilection du…

LES VOGUEHOMMANIES

BÉTON LIQUIDE Son capot comme un bloc de ciment et sa couleur goudron parlent mieux que les mots pour décrire la sensation de ce parfum extrêmement texturé. Une tubéreuse charnelle se fond à des extraits bruts de forêt noire : bois de cade, de gaiac, d’agar, bouleau et mousse de chêne… Le tout coulé dans un flacon soufflé par le dernier fabricant français de verre à la main, genre de caprice que seule la parfumerie de niche peut se permettre. BLACK TAR, PARFUMERIE PARTICULIÈRE 100 ML, 245 € CHEZ NOSE PARIS REBONDISSEMENT OLFACTIF Si la malice avait une senteur, ce serait elle. Nasomatto (« nez fou », en italien) signe un parfum étonnant en tout point. La senteur : une note très peu commune de calamus, des feuilles de noisetier…

—La création ne surgit pas comme ça. Ce n’est pas une illumination ni une étincelle venue d’en haut. La création est une intuition ; elle se nourrit du dialogue, du débat, et résulte d’un processus, ne serait–il qu’intérieur. La création de mode est un processus bien plus concret et conflictuel que ne voudraient nous le faire croire certains experts. C’est un acte pluriel. Le fruit d’une association. Cette position n’est sans doute pas pour plaire à Diet Prada et à tous les censeurs qui dénoncent les copieurs. Ce que ces donneurs de leçons ne comprennent pas, c’est qu’il y a copie et copie. La création a besoin de la conversation et de la confrontation pour s’épanouir, et les échanges seront soit réels — avec un être vivant avec qui on…

QUAND LES FIGURES DU STYLE CRÈVENT L’ÉCRAN

—Après avoir raconté dans Tout l’argent du monde l’enlèvement par la Mafia, en 1973 à Rome, de John Paul Getty III, petit–fils du magnat du pétrole John Paul Getty, libérable pour une rançon de 17 millions de dollars que le patriarche se refusait à verser, Ridley Scott continue de creuser le filon des turpitudes de la high society en jetant son dévolu sur le destin tragique de Maurizio Gucci, assassiné de plusieurs balles de revolver sous le porche de son bureau milanais en mars 1995. Un fait divers qui a saisi et bouleversé aussi bien le monde de la mode que le grand public italien attaché à cet emblématique fleuron de l’industrie du luxe, parti en 1921 à Florence d’une petite boutique de maroquinerie et revendu trois ans avant ce…

QUAND LES FIGURES DU STYLE CRÈVENT L’ÉCRAN

VIRGIL ABLOH & NIGO DUO DE STYLE

—D’un côté de la planète, l’Américain Virgil Abloh, directeur artistique de l’homme Louis Vuitton, fondateur de la marque Off–White (récemment rachetée par le groupe LVMH), ami de ces rappeurs et icône, malgré ses 40 ans tout ronds, d’une jeunesse fascinée par le langage d’une mode débarrassée de tout complexe culturel. De l’autre, Nigo, né à l’aube des seventiesau Japon, DJ du groupe Teriyaki Boyz, producteur, styliste et fondateur de l’enseigne A Bathing Ape — Bape pour les intimes. Laquelle a influencé la planète dite streetwear, et bien au–delà. Ensemble, Virgil et Nigo ont créé une collection capsule pour Louis Vuitton, LV2 , dont le deuxième volet, proposition hybride entre Occident et japonisme, paraît cet automne. Ensemble, ils échangent sur ce qui les lie, non seulement entre eux, mais aussi à…

VIRGIL ABLOH & NIGO DUO DE STYLE

BARDOT, ADJANI, DENEUVE, LAGERFELD, PRADA, COPPOLA & CO.

TOM FORD VOGUE HOMMES Vous avez donné des centaines d’interviews au long de votre carrière mais y a–t–il cependant une question qu’on ne vous a jamais posée ? TOM FORD Je crois sincèrement qu’on m’a à peu près tout demandé… On ne m’a peut–être pas interrogé sur mes positions sexuelles préférées… VOGUE HOMMES Vous voulez répondre ? TOM FORD Pas au téléphone… LARRY CLARK VOGUE HOMMES Au fond, vous avez toujours essayé de rester hors système, indépendant. LARRY CLARK J’ai grandi en admirant la Beat Generation, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs, Greg Corso et ces mecs n’avaient qu’un seul mot d’ordre : « Ne vous vendez pas ! » Je me considère comme un postbeatnik. L’autre jour, une amie de lycée que je n’ai pas vue depuis des années,…

BARDOT, ADJANI, DENEUVE, LAGERFELD, PRADA, COPPOLA & CO.

CHARLES AZNAVOUR

VOGUE HOMMES Quelle est l’équation d’une bonne chanson ? CHARLES AZNAVOUR D’abord, pour moi, une chanson n’est jamais finie. Il y a toujours une virgule mal placée, un mot à affiner, à caler pour le rythme de l’oreille, la musicalité. J’en ai dans mes tiroirs qui ont vingt ans et qui n’ont pas encore vécu sur scène. La clé d’une bonne chanson, c’est l’attaque, les deux ou trois premières phrases qui ferrent l’attention : « La mer, qu’on voit danser, le long des golfes clairs… » Je pense à la première image d’un film. C’est à partir de là que la chanson s’écrit. Après, il faut parler vrai, ne pas avoir peur des mots, oser les mots crus, agressifs… Je n’ai aucun tabou. J’aurais dû être un illettré total et…

CHARLES AZNAVOUR

VOGUE HOMMES Serge intime? JANE BIRKIN Il avait l’air sombre, « mad and dangerous », comme on disait de Byron, mais c’était un clown. Je ne connais pas de poète écrivain de sa qualité doté d’une telle fantaisie. Il adorait amuser les enfants et le faisait comme personne. Il n’était pas un artiste ténébreux qui se faisait chier dans son coin. Il avait envie que les gens sonnent à sa porte, il était très accessible. Et, en même temps, très sarcastique, brillant, parfois cruel pour le simple plaisir d’un jeu de mot. Je lui avais fait la gueule plusieurs jours après qu’il avait écrit sur une pochette « prendre les femmes pour ce qu’elles ne sont pas et les quitter pour ce qu’elles sont ». Je trouvais ça moche et…

VOGUE HOMMES Le Iggy Pop des années 1970 incarnait le danger. Les histoires que l’on peut lire dans « Please Kill Me » sont ahurissantes comme celle où, après vous être roulé dans le verre pilé, vous essayez de rejoindre une fille à l’autre bout de la ville mais aucun taxi ne veut vous prendre à cause du sang et vous faites des kilomètres à pied tout en perdant beaucoup d’hémoglobine et finissez chez la fille, à moitié mort. IGGY POP C’est effectivement assez terrifiant. Mais je crois que les pires n’y sont même pas ! (Rires.) J’étais à Rio sur une plage il y a deux ans, et j’ai vu deux mecs, la vingtaine, de bonne famille sans doute, bonne dégaine, qui avaient Please Kill Me sous le bras.…

VOGUE HOMMES Pouvez–vous nous citer un exemple de reportage qui vous procure un sentiment d’oeuvre accomplie ? JAMES NACHTWEY En 1992, j’ai tenu à rendre compte de la famine en Somalie. J’ai contacté bon nombre des magazines avec lesquels j’avais travaillé en étroite collaboration au fil des années, mais aucun n’était intéressé. Cette catastrophe avait été dévoilée alors que je terminais une mission en Afrique du Sud. On n’en parlait déjà plus, mais la famine était loin d’être terminée et il me semblait qu’une deuxième vague d’images pour illustrer la situation serait déterminante. J’étais bien décidé à m’impliquer dans ce reportage et je suis parti pour la Somalie par mes propres moyens, sans le soutien d’un journal. En fin de compte, le Sunday Magazine du New York Times a publié…

BRET EASTON ELLIS

VOGUE HOMMES Avec « American Psycho », vous montriez le cynisme des années Reagan. Comment le monde a–t–il évolué ? BRET EASTON ELLIS Aujourd’hui, tout est tellement plus facile. C’est tellement plus facile, par exemple, de créer une version fantasmagorique de soi sur Internet que d’être vraiment soi dans la vie. Nous sommes dans une ère de la facilité. Une ère du narcissisme effréné. Tout le monde veut exister, et a les moyens d’exister, grâce à Internet, tout le monde devient son propre héros et peut mentir sur sa vie grâce à Facebook. Facebook est plein de mensonges. VOGUE HOMMES Vous êtes sur Facebook ? BRET EASTON ELLIS Oui, mais ma page est très minimale : c’est juste « Bret Ellis ». (Il ouvre sa page Facebook.) Regarde ce type,…

BRET EASTON ELLIS

VOGUE HOMMES Saint Laurent était un artiste ? PIERRE BERGÉ J’ai coutume de dire que la mode n’est pas un art, et a ceci de particulier qu’elle est éphémère. Elle a la grâce de mourir jeune. Ceci dit, il faut un artiste pour la créer, oui. Et ils ne sont pas nombreux. Balenciaga est un artiste à l’égal d’un Braque. Christian Dior, Gabrielle Chanel sont des artistes. Et Yves Saint Laurent ô combien. Yves, de tous, peintres confondus, a le plus beau chromatisme. À l’égal de Matisse. Son oeil, son immédiate appréhension d’une chose pour la transformer étaient extraordinaires. Mais le grand talent de Saint Laurent, c’est sa compréhension de l’époque. Si Balenciaga, Dior, Madame Grès, Schiaparelli sont de grands couturiers, ils se sont enfermés dans une couture de caste.…

GÉRARD DEPARDIEU

VOGUE HOMMES Pas de bagage mais un passé. Vous vous êtes intéressé assez tôt à la psychanalyse. Vous avez rencontré Lacan… GÉRARD DEPARDIEU Lacan avait L’Origine du monde de Courbet dans son cabinet. Je venais pour chier sur son divan. Il avait un portefeuille rempli de gros biftons. Mais je ne pense pas avoir fait plus de cinq ou six séances, en réalité. J’ai surtout suivi ses séminaires. La psychanalyse ne m’intéresse pas, il y a eu tellement d’abus, de charlatans avec l’arrivée des didactiques. Enfin, les gens y croient, l’important c’est que ça leur fasse du bien, ce n’est pas entre pompiers qu’on va se marcher sur les tuyaux. Être en psy, avancer dans sa vie, bah. Moi, les bagages sont vides depuis longtemps mais j’ai rencontré un freudien,…

GÉRARD DEPARDIEU

MICHEL HOUELLEBECQ

VOGUE HOMMES Comment voyez–vous l’avenir ? MICHEL HOUELLEBECQ Je suis très pessimiste. On va vers quelque chose de très édulcoré, où seul ce qui est commercial va primer. Guillaume Dustan est mort, Maurice Dantec a mal tourné. On était une génération de punks. Aujourd’hui, il ne reste plus grand–monde. VOGUE HOMMES Et comment vous voyez–vous dans le futur ? MICHEL HOUELLEBECQ J’ai besoin qu’on m’aime. Toutes les critiques violentes que je subis représentent un danger réel intime, celui de me pousser dans une tendance que j’ai, un retranchement dans la misanthropie qui était celui de mon père. J’ai peur de devenir comme lui, j’ai peur d’une transmission quasi génétique. Mon père avait fini par s’acheter un camping–car pour ne pas rester à l’hôtel quand il partait en vacances, tant il…

JOSH 0’CONNOR

VOGUE HOMMES Vous avez été un magnifique prince Charles dans « The Crown ». Comment avez–vous été choisi ? JOSH O’CONNOR Je suis ami avec Vanessa Kirby, l’actrice qui jouait Margaret dans les premières saisons, et je savais par elle qu’ils pensaient en faire une troisième et cherchaient quelqu’un pour jouer Charles. Mon agent m’a appelé pour me dire qu’il me proposait le rôle. Je tournais alors près de Bruxelles une adaptation des Misérables de Victor Hugo, et j’ai immédiatement dit non. Je suis pro–République, à ce moment–là la famille royale ne m’intéressait pas du tout. Trois semaines plus tard, ils rappellent en insistant pour me rencontrer et pouvoir au moins me parler du projet. J’ai rencontré Peter Morgan, le créateur de la série, et Benjamin Caron, l’un des réalisateurs,…

BRIGITTE BARDOT

ressembler davantage. Et là bam, Marilyn est rentrée. On s’est retrouvées côte à côte devant le miroir. Elle se repomponnant le nez, moi tirant sur mes boucles. On se souriait, on s’est dit hello, puis terminados bouclarès, on ne s’est plus jamais revues. J’ai toujours admiré Marilyn. Il y avait un fond de gamine en elle malgré les bouches en coeur et la chaloupe incendiaire. Elle a été très mal comprise, malmenée par la vie, très seule finalement. VOGUE HOMMES Vous avez peur de la solitude ? BRIGITTE BARDOT J’étais effrayée par la solitude. Je ne la supportais pas. Je me sentais perdue, abandonnée, prête à faire n’importe quelle connerie. Aujourd’hui, je n’aspire qu’à ça. Et comme je suis de nature contemplative, ça me va très bien. Et puis le…

BRIGITTE BARDOT

CHRISTINE & THE QUEENS

VOGUE HOMMES Quel genre d’adolescente étiez–vous ? CHRISTINE & THE QUEENS Très imaginative, et littéraire ; complexée, aussi. Mais je négociais curieusement avec mes tourments : en croyant les effacer, je me rendais encore plus visible. Je portais des habits très bigarrés, très baroques, parce que je crois que, trop ambivalente dans ma féminité, je n’avais aucune idée de comment performer un genre — ou que je m’amusais mieux en le théâtralisant. D’ailleurs je faisais beaucoup de scène, en tant qu’apprentie comédienne. J’écrivais déjà énormément ; j’étais aussi le clown, celle qui joue les bouffons shakespeariens, ou les chérubins. VOGUE HOMMES Qui étaient vos idoles ? CHRISTINE & THE QUEENS J’adorais Björk, que j’écoutais énormément, de Debut à Vespertine. Je l’avais en poster dans ma chambre. Laurie Anderson. J’avais lu…

JULIETTE GRÉCO

VOGUE HOMMES Vous avez aussi rencontré Marlon Brando ? JULIETTE GRECO Il était à Paris après le triomphe d’Un tramway nommé Désir à Broadway, il avait une proposition pour tourner un film en France, une adaptation du Rouge et le Noir, je crois. Il était fou amoureux d’Eartha Kitt et avec cette délicatesse qui lui était propre, il ne manquait jamais d’évoquer publiquement certains détails scabreux de son anatomie. Il avait 25 ans, il avait une moto et c’était hyperpratique de rentrer chez moi avec lui, c’est tout. J’avais un beau cheval, un cavalier parfait… Il était très trouble, je pense qu’il faisait partie de ces êtres doués d’une irréelle beauté et qui sont à jamais sexuellement insatisfait. Et sans doute qui ne satisfont pas les autres, d’ailleurs. Il avait…

VOGUE HOMMES Saviez–vous, très jeune, qui vous étiez ? RICK OWENS Oh non ! À 20 ans, je n’étais qu’un connard alcoolique, arrogant, pompeux et agressif. J’ai juste appris. VOGUE HOMMES Qu’est–ce qui vous a fait changer ? Avez–vous eu un déclic ? RICK OWENS Non, vous vieillissez, et vous apprenez. C’est comme conduire, quand vous apprenez à changer les vitesses. Au début, vous le faites avec des gestes très secs et, à force de conduire, vos gestes s’adoucissent. À 20 ans, mon ambition et mon agressivité étaient mal dirigées. J’ai dû apprendre à les rediriger. Car ça engendrait des trucs assez moches — pas atroces non plus, je n’ai jamais tué personne ! VOGUE HOMMES Vous n’étiez pas doux avec vous–même ? RICK OWENS Avec les autres non plus…

ISABELLE HUPPERT

VOGUE HOMMES Qu’est–ce qu’une actrice ? ISABELLE HUPPERT Quelle question ! (Long silence.) J’aimerais répondre en une phrase. On va y revenir. Il faut que je réfléchisse. Pourquoi vous me posez la question d’une manière aussi directe ? VOGUE HOMMES Parce que vous semblez être une des rares actrices à développer une réflexion sur vos expériences, votre carrière, et que vous l’exprimez en général très bien. ISABELLE HUPPERT Et bien là, c’est pas gagné… Mais on va y arriver. VOGUE HOMMES Actrice, c’est une vocation ? ISABELLE HUPPERT Sans doute. Même si je n’aime pas le mot qui m’évoque une image un peu religieuse, désuète. VOGUE HOMMES Je vous parle de vocation parce que le cinéma me semble chez vous comme une seconde nature, on ne sent jamais l’effort. ISABELLE…

ISABELLE HUPPERT

VOGUE HOMMES De nos jours, l’élitisme a mauvaise réputation. Pourtant Prada s’adresse aux élites, dans un langage très cultivé, jouant avec la simplicité, la discrétion, le mauvais goût, toutes choses contraires à la recette traditionnelle, et dont Prada modifie le sens. Mais l’élitisme, c’est le contraire de l’inclusion, le grand leitmotiv du moment. MIUCCIA PRADA L’inclusion a du sens, mais nous ne devons pas oublier que nous sommes une marque de luxe : parler de démocratie en vendant des produits coûteux, c’est délicat. Et c’est bien le problème : au nom d’un message de communication, on peut perdre de vue ce qui est fondamental, à savoir sa propre identité, la vérité de son travail. Et tout devient faux. VOGUE HOMMES Mais pourquoi les gens se laissent–ils convaincre, même par des…

ISABELLE ADJANI

VOGUE HOMMES La liste des films que vous avez refusés est édifiante : « Cet obscur objet du désir » de Buñuel, « Loulou » de Pialat, « Rendez–vous » de Téchiné, « La Leçon de piano » de Jane Campion… Vous avez des regrets ? ISABELLE ADJANI Ça ne se juge pas comme tel. Évidemment si j’en fais la liste en commençant par Cet obscur objet du désir et en terminant par je ne sais quel film américain, ça ressemble à une aberration. Jeff Berg, l’un des plus grands agents améri cains, qui dirige ICM, disait qu’on aurait pu faire un festival avec les films que j’avais déclinés et que si je n’étais pas deve nue la plus grande star, c’est que je ne l’avais pas encore décidé Je…

VOGUE HOMMES Vous sortez beaucoup ? XAVIER DOLAN Je sors quand j’aime, quand je pourchasse quelqu’un, une personne que j’ai rencontrée le jour, parce que la nuit elle est ailleurs. Mais non, plus beaucoup en général, au risque de passer pour quelqu’un d’ennuyeux. J’en suis revenu. Quand j’avais 16 ou 17 ans, j’avais une fausse carte d’identité qui me permettait d’entrer dans les bars, je sortais tous les soirs du jeudi au samedi, jusqu’aux petites heures du matin. J’ai fait ça jusqu’à mes 20 ans. J’ai fait la fête autant que je pouvais, pris toutes les drogues imaginables. Et j’en ai suffisamment fait le tour pour avoir envie aujourd’hui de ne le refaire qu’avec des gens que j’aime. Il ne faut plus que ce soit banal. VOGUE HOMMES Votre deuxième…

VOGUE HOMMES D’où vous est venue l’idée de Chic ? NILE RODGERS Au milieu des années 1970, ma copine m’a emmené voir son groupe préféré, Roxy Music, dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai été sidéré. Ils étaient d’une élégance à tomber et leur public leur ressemblait. Sur scène, ils portaient des costumes de couturiers et je n’avais jamais vu ça, un groupe s’habillant pour être en accord avec la musique qu’il joue. Je me suis dit mon dieu, si on adapte cette idée à la musique noire, si on en crée notre propre version, ça va être puissant! À la fin des années 1970, nous traversions en Amérique une des pires crises depuis celle de 1929 et les Noirs essayaient toujours de s’arracher à leur condition. Je me suis…

CATHERINE DENEUVE

VOGUE HOMMES L’écrivain James Baldwin a dit que « le mythe met en miettes l’existence ». Ça vous inspire quoi ? CATHERINE DENEUVE On n’est pas obligé de se laisser enfermer. C’est un piège de croire à son propre mythe. Ça vous condamne à être ce que les gens projettent sur vous. Il faut essayer de se maintenir coûte que coûte. Et être présent à soi, pour reprendre votre expression. J’ai eu la chance grâce à mon éducation, à mon entourage, en grande partie des gens intelligents et ironiques, d’être immunisée contre ce type de faux–semblant. VOGUE HOMMES L’amour, c’est le territoire de toutes les libertés ? CATHERINE DENEUVE Disons que c’est le territoire le plus égalitaire pour les hommes et les femmes. Le territoire où c’est la personnalité de…

CATHERINE DENEUVE

JONATHAN ANDERSON & RUSSELL TOVEY VIVRE D’ART

—Les Londoniens Jonathan Anderson et Russell Tovey sont amis. Et tous deux amoureux de l’art contemporain. Il paraissait donc évident pour ce numéro « Conversation » de leur proposer de dialoguer en toute liberté autour de cette passion commune. Anderson, 36 ans, a grandi entre le nord de l’Irlande et Ibiza, un grand écart de couleurs et d’inspirations qui a teinté sa sensibilité singulière. Après avoir travaillé un temps pour Prada comme visual merchandiser aux côtés de Manuela Pavesi, bras droit de Miuccia Prada, il se lance sous son nom en 2008. Sa première collection homme JW Anderson est un succès instantané. C’est fin 2013 que les choses se stabilisent pour lui : LVMH prend une part minoritaire dans la marque à son nom, JW Anderson, et lui confie les…

JONATHAN ANDERSON & RUSSELL TOVEY VIVRE D’ART

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