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54 Articles

1945-2025 : les « collabos » font… de la résistance

Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. À l’heure des bilans annuels personnels, il crève les yeux que, malgré les menaces qui s’amoncellent, la France a connu pire. Et qu’elle a toujours tout pour elle, à commencer par cet esprit critique qui lui a souvent si bien réussi, dans le passé. Il ne lui reste plus qu’à le faire fructifier. Chiche, François Bayrou ? Ce qui fait le malheur des hommes, ce sont l’hubris, la haine et la bêtise qui, depuis la nuit des temps, marchent ensemble pour ravager la terre. Elles œuvrent aux portes de l’Europe, encore miraculeusement protégées, et portent les noms de Poutine, d’Erdogan ou d’islamisme, tandis que, chez nous, leurs idiots utiles se comportent en « collabos ». Observez-les…

« Un jour, la prison de Sansal sera la nôtre »

L’obscénité à l’état pur. Un écrivain franco-algérien âgé de 80 ans est embastillé pour ses idées et certains s’emploient à instruire à distance son procès. Boualem Sansal « n’est pas un ange », a ainsi osé dire Sandrine Rousseau… Cela signifie-t-il qu’il mérite un peu ce qui lui arrive ? S’il restait encore un peu de dignité à notre débat public, l’auteure de cette phrase serait l’objet d’un opprobre unanime. Sauf que, nous le savons, ce ne sera pas le cas. Sandrine Rousseau, comme d’autres dans les franges de cette gauche liberticide, croit voir derrière l’écrivain le spectre de « l’extrême droite et du suprémacisme ». Ah bon ? La liberté d’expression, les droits des femmes, la laïcité, tout cela est d’extrême droite ? C’est à Alger que Boualem Sansal…

« Un jour, la prison de Sansal sera la nôtre »

Du verbe bistroter

Régulièrement, Gilles Pudlowski donne de ses nouvelles, et elles sont bonnes car l’auteur est à table. Ou plutôt à tables, car il y en a plusieurs. Dans Le Petit Pudlo des bistrots 2024/2025 (Les Pieds dans le plat, 9,90 euros) : 150, rien qu’à Paris. En province, pas de bistrots ? Gilles et moi n’en avons que quelques-uns en commun, ça doit être parce que je bistrote – du verbe bistroter – moins que lui. Ce que j’aime, Aux vieux garçons (213, boulevard Saint-Germain), c’est qu’il a une histoire littéraire. C’est Aux vieux garçons que se retrouvaient, dans les années 1950, les écrivains opposés au Nouveau Roman, c’est-à-dire tous les écrivains sauf ceux du Nouveau Roman. Jean-Louis Curtis et Jacques Brenner y défendaient la syntaxe classique, Robert Kanters et Matthieu…

Du verbe bistroter

« Viva la libertad, carajo ! »

Le 10 décembre 2023, après sa victoire inattendue au terme d’une campagne menée avec la tronçonneuse qui symbolisait sa volonté de rupture avec l’État péroniste, Javier Milei devenait président de l’Argentine. Et ce au cœur d’une des pires crises de l’histoire du pays, que l’hyperinflation (211 %) et le surendettement public (155 % du PIB) entraînaient vers un chaos de type vénézuélien. Très nombreux furent ceux qui annoncèrent sa chute rapide. Un an après, Javier Milei a tenu promesse. L’Argentine s’est profondément transformée. Elle a expérimenté la plus vigoureuse thérapie de choc depuis celle appliquée par Margaret Thatcher au Royaume-Uni. Les dépenses publiques ont été diminuées de 44 à 32 % du PIB, avec des coupes claires dans les retraites, les salaires du secteur public, les subventions à l’énergie et…

« Viva la libertad, carajo ! »

Leçon syrienne pour l’Algérie

L’Algérie est l’un des rares pays à regretter l’éviction du « boucher de Damas ». La chute du tyran syrien affaiblit sa posture stratégique et la plonge un peu plus dans l’impasse géopolitique. Fidèle alliée de la dictature d’Assad père (Hafez) puis fils (Bachar), elle est désormais privée d’un partenaire qui lui était aussi proche que précieux. Le 3 décembre, elle affirmait encore sa « solidarité inébranlable » avec la « nation sœur », alors que les rebelles islamistes marchaient sur Damas. Qui se ressemble s’assemble : tout comme l’ex-régime syrien, celui d’Alger plonge ses racines dans l’idéologie nationaliste arabe de Nasser, socialisante et anti-occidentale. Les deux pays ont connu la férule française, la Syrie à l’époque du mandat (1920-1946) et l’Algérie pendant la colonisation (1830-1962), mais ce n’est pas…

Leçon syrienne pour l’Algérie

Cette légèreté perdue

Les hommes restent plus ouverts aux propositions sexuelles, mais leur enthousiasme a pris un sérieux coup de vieux. Imaginez la scène : un parfait inconnu vous aborde dans la rue et vous propose, au choix, d’aller prendre un café, de passer chez lui, ou carrément de lui sauter au paf. Évidemment, votre première réaction dépend de qui pose la question (George Clooney dans ses jeunes années ? François Bayrou après trois heures de tête-à-tête avec notre président ?). Mais, au-delà du physique, cette série de questions constitue l’une des plus célèbres expériences en psychologie sociale et évolutionnaire, menée pour la première fois en 1978 par Russell Clark et Elaine Hatfield sur des campus américains. À l’époque, pour la première proposition, aucune différence significative entre les sexes ne fut observée –…

Le point de la semaine

EN FORME Rachel Khan 48 ans – L’essayiste a reçu le prix Edgar-Faure du livre politique pour Encore debout (Éd. de l’Observatoire). Sous-titré La République à l’épreuve des mots, l’ouvrage est un plaidoyer pour l’universalisme. Louis Degos 54 ans – Le responsable du département contentieux et arbitrage au sein du bureau parisien de K&L Gates a été élu bâtonnier du barreau de Paris. Carine Denoit-Benteux devient vice-bâtonnière. Pascal de Izaguirre 67 ans – Le PDG de Corsair vient d’annoncer des résultats positifs. Avec un chiffre d’affaires de 701 millions d’euros, la compagnie aérienne atteint son objectif de retour à l’équilibre en 2024. EN PANNE Philippe Cochet 63 ans – L’ex-député et président du groupe LR à la métropole de Lyon est condamné à un an de prison ferme et à…

Le point de la semaine

François Bayrou, le moment de vérité

Qui est le vrai François Bayrou ? Côté pile, il y a l’homme épris de liberté, la noble langue, l’immense culture, le fort caractère. Côté face, les colères noires, le chantage, l’esprit boutiquier et l’orgueil. Un monument de la Ve République à lui tout seul, un demi-siècle de vie publique au compteur, un vieux briscard et un grand fauve à la fois, comme la politique en produit de moins en moins. Les Français connaissent sans vraiment connaître ce personnage à part, qui après chaque échec – ils furent nombreux – a su se relever. Un modèle de persévérance, une tête brûlée et un phrasé lent qui ont fait le bonheur des Guignols, où il fut grimé en éternel candidat velléitaire et maladroit, à la traîne dans les sondages, trop mou…

François Bayrou, le moment de vérité

L’homme qui croit au miracle

Son arrivée à Matignon constitue-t-elle un grand bond en arrière ? Peut-être. Mais, à l’ère de l’inculture officielle, dans ce « nouveau monde » chéri par Emmanuel Macron, où quasiment tous les politiciens sonnent creux, il est réconfortant de croiser de temps en temps des personnages comme François Bayrou. Il y a une petite dizaine d’années, alors que j’étais dans son Béarn, Bayrou m’avait emmené dans sa maison de Bordères, au cœur du village où il vit depuis sa naissance, entre Pau et Lourdes, et m’avait fait découvrir son bureau. Une caverne d’Ali Baba : comme de Gaulle ou Mitterrand, il vivait et travaillait au milieu des livres. Montremoi ta bibliothèque, je te dirai qui tu es. Dans le paysage actuel, si on écarte les « anciens », je ne…

L’homme qui croit au miracle

Les diagnostics lucides du professeur Bayrou

«J’espère que je l’ai convaincu. J’ai dû lui en parler une cinquantaine de fois, vous savez… » En novembre 2021, dans son bureau du haut-commissariat au Plan, François Bayrou se désespère. Les prix de l’énergie n’en finissent plus de flamber, boostés par la reprise d’activité à l’issue de la crise du Covid. En France, où les capacités de production d’électricité pilotables continuent à fondre, la pénurie guette. Au mois de mars précédent, François Bayrou s’était saisi du sujet dans un rapport cinglant, dénonçant l’incohérence de la politique gouvernementale avec une violence rare. La consommation électrique devant augmenter de 40 à 45 % d’ici à 2050, calculait son rapport, la réduction du parc nucléaire programmée par Emmanuel Macron était mathématiquement impossible. Et vouloir développer la voiture électrique tout en fermant des…

Les diagnostics lucides du professeur Bayrou

Il était une foi...

Journée folle, ce 5 décembre. François Bayrou déjeune avec le président à l’Élysée, la rencontre s’éternise, la rumeur enfle. On l’attend à l’Institut catholique de Paris pour participer – avec Bernard Cazeneuve – à un colloque sur Marc Sangnier (1873-1950), le fondateur du Sillon. Soudain, François Bayrou fait irruption dans l’auditorium. Pour honorer cet engagement pris de longue date auprès d’Anicette Sangnier, la petite-fille de Marc, en mémoire d’un homme qu’il considère, avec Péguy, dira-t-il, comme sa boussole. Ce jour-là, Bayrou lui rend un hommage appuyé, comme on le fait à un frère d’espérance attaché à l’« esprit d’enfance » cher à Bernanos, qui avait uni chrétiens et républicains, ouvriers et bourgeois, jeunes et plus âgés, dans un large mouvement d’inspiration catholique mais pas au service des curés – il…

Il était une foi...

Mayotte, île martyre

Il aura suffi de trente minutes pour que les vents, dépassant les 220 kilomètres/heure, dévastent l’archipel. À l’heure où nous mettons sous presse, le nombre de victimes est encore inconnu – potentiellement des milliers, selon le préfet, François-Xavier Bieuville, notamment dans les bidonvilles, où s’entasse près d’un tiers de la population. La violence du cyclone a mis à nu les plaies béantes de Mayotte, territoire attaché à la République depuis 1848 et qui, depuis le référendum d’autodétermination de l’archipel des Comores, le 22 décembre 1974, reste français. Dans les quartiers d’habitat précaire, les cases en tôle ont été littéralement balayées, emportant avec elles leurs occupants. L’hôpital de Mamoudzou, déjà exsangue en temps normal, fonctionne en mode dégradé. La tour de contrôle de l’aéroport est hors service, isolant un peu plus…

Mayotte, île martyre

À Palmyre, l’effervescence de la nouvelle Syrie

Un véhicule blindé couleur camouflage déboule dans une ruelle de Palmyre, la musique à plein volume. Une poignée de miliciens hirsutes, armes en bandoulière, descendent d’un bond au son de la voix de Madonna, qui chante « La Isla Bonita ». Rebelles syriens originaires de Palmyre, ils célèbrent en fanfare leur retour au bercail après l’effondrement du régime de Bachar el-Assad. Leur chef, Abou Adel, arrive du nord et reprend le contrôle de ses troupes. Cet homme élancé de 32 ans, vêtu d’un survêtement russe, distribue les ordres en rafales. Il envoie l’un de ses combattants remorquer un véhicule, un autre chercher de l’essence. Ancien commandant de l’Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de factions islamistes proturques, il s’est rallié à Hayat Tahrir al-Cham (HTC) depuis un an. Adoubé par…

À Palmyre, l’effervescence de la nouvelle Syrie

Survie et renaissance

LA PUCE L’IA pourrait-elle éprouver l’amour. Saurait-elle seulement le singer ? L’IA doit son existence à la digestion massive des données humaines. L’amour est une épreuve distincte, inimitable. La première synthétise toutes les expériences. L’autre incarne l’inédit. Renseignée par ce qui fut, archivant ce qui a été, recoupant ce qui était, l’IA ne peut éprouver la valeur de l’unicité. Or l’amour est le miracle qui transforme le banal en neuf. Le milliardième amoureux a l’impression pathétique et superbe d’être le premier. Le pire est qu’il a raison ! C’est le seul intérêt de la misérable expérience humaine : la propriété de l’unique. L’amour, c’est le tartignolle élevé au sublime (« l’infini à la portée des caniches » de Céline est tout de même de l’infini). C’est le sentiment en série…

Survie et renaissance

Dans l’univers secret de John Elkann

… De retour dans la boutique, un libraire, surpris par la popularité de ce mystérieux client, s’enquiert : « Vous êtes footballeur ? Dans le cinéma ? » Elkann rit, les deux mains accrochées à son sac de livres, avant de lâcher : « Je travaille pour Ferrari. » En réalité, son CV est bien plus étoffé. Il y a près de vingt ans, il héritait d’un navire en détresse, le groupe Fiat ; il est aujourd’hui le capitaine d’une flotte énergique, malgré les vents contraires. Au curieux, il aurait pu se présenter comme le président du prestigieux constructeur et son premier actionnaire. Il aurait pu évoquer Stellantis (Peugeot, Jeep, Fiat, Maserati…), où il occupe les mêmes fonctions, et plus. Il aurait pu citer ses parts dans l’influent magazine The…

Dans l’univers secret de John Elkann

Plongée dans le monde des abysses

Oubliez l’image d’une vaste plaine obscure et monotone… À plusieurs kilomètres sous la surface des océans se cache un monde aussi spectaculaire que les plus beaux paysages terrestres, si ce n’est plus : longues chaînes de montagnes s’étirant sur des dizaines de milliers de kilomètres, canyons vertigineux creusés dans la roche, monts isolés rivalisant avec les plus hauts sommets continentaux, fosses plus profondes que tout ce qui existe sur les terres émergées, geysers crachant des fluides à plus de 300 °C, volcans entrant occasionnellement en éruption, lacs de saumure immenses, forêts de coraux millénaires… Un monde que nous connaissons beaucoup moins bien que la surface de Mars, alors qu’il recouvre plus de la moitié de notre planète ! À ce jour, seuls 18 % des fonds marins sont cartographiés, avec…

Plongée dans le monde des abysses

L’incroyable parcours d’un Mozart des maths

Le bureau de Thomas Mordant, au 3e étage du laboratoire de mathématiques d’Orsay, est orienté plein ouest. Au loin, on aperçoit l’Yvette et la vallée de Chevreuse. Jusqu’à son coucher, le soleil a dardé ses rayons, laissant des volutes de poussière de craie tourbillonner autour du tableau sur lequel sont griffonnées de complexes équations. En face de ce grand tableau, pas de bureau classique mais un lit médicalisé. Car Thomas Mordant, postdoctorant de 26 ans, est atteint de la maladie des os de verre. Un lourd handicap physique qui ne l’a pourtant pas empêché de briller dans sa discipline. Après avoir décroché son bac S à 14 ans et demi (avec 18,97 de moyenne générale), Thomas Mordant prépare le concours … d’entrée à Normale sup, qu’il intègre et dont il…

L’incroyable parcours d’un Mozart des maths

Les royaumes portatifs de Christian Lacroix

Le comédien Laurent Stocker, en chaussettes, disparaît dans un gigantesque costume bouffant et observe, médusé, son reflet dans le miroir. La photo, prise lors des premiers essayages, traîne sur une table au milieu des aiguilles, des volutes de tulle et des passementeries. Accrochées au plafond, deux manches noires, immenses, attendent d’être cousues à la robe dans laquelle se glissera, bientôt, l’actrice qui incarne la reine d’Angleterre. Ici, un pourpoint neuf qu’il va falloir froisser, tremper dans des teintures pour qu’il donne l’impression d’avoir un peu vécu avant d’être porté sur scène. Là, une robe dont on va ôter le vertugadin (1) car celui-ci entrave les mouvements de la comédienne sur le plateau. Il est midi mais, au-dessus des tables de travail, d’éblouissants néons prennent partout le relais de la faible…

Les royaumes portatifs de Christian Lacroix

Adonis « Le monde a besoin d’un autre commencement »

Au sommet de la tour de la Défense où il vit, Adonis nous ouvre son scriptorium, qui est aussi l’atelier du peintre, puisque le poète s’exprime également par le dessin et les collages, empilés par terre, tandis que les étagères croulent sous les classeurs… Son « désordre ». Métamorphoses, migration est le nouveau recueil d’Adonis, en réalité une nouvelle traduction d’un livre paru en 1982 et devenu introuvable. Une splendeur, par l’auteur des Chants de Mihyar le Damascène, qui, au printemps prochain, signera au Seuil un essai sous forme de dialogue avec Houria Abdelouahed, Eros et Islam. La fable, la femme, la loi. Adonis, en pleine forme (il fêtera ses 95 ans le 1er janvier), vient de lancer la collection « Irhsa » (« Illuminations »), qui rassemble les recueils…

Adonis « Le monde a besoin d’un autre commencement »

DE CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

Pour la fin de l’année, dansons ! Chez les anciens Grecs, il y a neuf muses personnifiant chacune un art. Terpsichore est la muse de la Danse. Comme ses huit sœurs, elle est fille de Zeus et de Mnémosyne, la déesse de la Mémoire, avec laquelle le maître des dieux coucha neuf fois, nous dit Hésiode. Une fois par muse. Pour les Anciens, l’art est donc fils de la mémoire et d’un ordre cosmique qui parfois laisse parler la foudre. C’est bien vu : sous ses aspects fantaisistes, la mythologie a souvent raison. L’art empêche d’oublier. L’art défie le chaos. Par un faux chaos, car constructif, celui-là. Parmi ces arts, il y a la danse, ce rituel sans mot qui rhabille le monde de grâce. Ça vous crèvera les yeux…

BEAU LIVRE Saint Laurent, homme à chiens En attendant Joan Mitchell et ses chiens, Peggy Guggenheim et ses chiens, Andy Warhol et ses chiens ou Pierre Bonnard et ses chiens, voici Yves Saint Laurent et les siens, de chiens ! Et c’est Martin Bethenod lui-même, le directeur de cette collection espiègle et sentimentale consacrée aux relations des grands artistes avec leurs compagnons à quatre pattes, « Amigos Forever » (déjà paru : Picasso et ses chiens), qui s’y colle. Ou plutôt qui se met sur la piste – avec un sacré flair – de ce couple aussi fidèle que mystérieux que formaient l’immense couturier et son bouledogue, Moujik. Ses Moujik, d’ailleurs, car il y en eut plusieurs, qu’ils se soient promenés, queue frétillante et babine détendue, dans les appartements partagés…

Soyons ludiques (juste un peu)

Au rayon des promesses et des vœux, on pourrait souhaiter que le superflu continue d’oser toutes les extravagances : le vrai chic est dans l’émotion qu’un objet, un moment ou un lieu procure. À cette aune-là, la joie est un registre que créateurs et maisons manient de plus en plus – quand les cieux s’assombrissent, l’élégance est dans le sourire. Acmé du genre ? Le bestiaire d’animaux de cuir formant assises, modèles revisités par Matthieu Blazy – alors directeur artistique de Bottega Veneta et tout juste nommé chez Chanel – de poufs créés par Zanotta en 1968. Lors du défilé de la marque à Milan en octobre, chaque invité se vit assigner un animal – l’acteur Jacob Elordi eut un lapin, Julianne Moore, une loutre, l’auteur de ces lignes, un…

Soyons ludiques (juste un peu)

HORIZONTALEMENT I. S’y trouve un bon cœur (3 mots).II. Continentaux. III. Hérétique. IV. Va tortiller. V. Double strict. Quartier de Chenôve. VI. Coupe-papier. VII. Prises. Milieu. VIII. Canal. Conjonction. IX. Contre l’agitation. VERTICALEMENT 1. Pas tendre. 2. À jeter. Saigne après coup. 3. Qui ont de belles couleurs. 4. Il décline. 5. Pas comme 3. Mises en arrière. 6. En 60. À emballer, en un sens. 7. Continent. Quartier de Rueil. 8. Ça use. 9. Une rue ? Solution de la grille du n° 2733 BRIDGE PAR MICHEL LEBEL LE PROBLÈME DE LA SEMAINE Voici les jeux de Nord-Sud : I. Enchères Sud donneur. Faites les enchères de Nord-Sud, qui se déroulent dans le silence adverse. Réponse La bonne séquence : Quelques commentaires 3 ¿ : soutien avec saut –…

Après l’Iran, la Turquie

Maintenant que l’Iran est affaibli, il va falloir se soucier de la Turquie. Je dis bien affaibli. Et il faudra plus que la destruction du Hamas, puis le désarmement du Hezbollah, puis la chute de l’atroce dictature des Assad en Syrie pour en finir avec la menace que font peser sur le monde les Gardiens de la révolution iraniens. Mais enfin les choses sont en bonne voie. Le fameux croissant chiite, qui allait de Téhéran à Bagdad, Damas, puis Beyrouth, et prenait en étau les peuples de la région, est, grâce à Israël, en lambeaux. Et, dans la guerre mondiale que nous livrent ceux que j’ai appelés « les cinq rois », dans le nouveau Grand Jeu où les cinq semblent se relayer pour, tour à tour, harceler l’Occident et…

Thomas Römer La Bible, le mal et nous

La Bible peut-elle aider à combattre le mal ? Nous avons soumis cette question, éternellement d’actualité, à celui qui sans doute la maîtrise le mieux : Thomas Römer. Philologue et exégète, professeur au Collège de France depuis 2007 – auguste institution dont il est l’administrateur aujourd’hui –, ce Suisse d’origine allemande possède toutes les langues bibliques – l’hébreu, le grec, le latin, l’araméen, bien sûr, mais aussi l’akkadien de Mésopotamie ou l’ougaritique du haut Levant. Il nous entraîne au cœur de textes fondateurs de notre civilisation. Le Point : Quelle est votre relation à la Bible ? À quand remonte-t-elle ? Thomas Römer : À l’enfance. Ma mère lisait la Bible pour elle tous les soirs. Elle suivait une sorte de calendrier quotidien qui pointait un verset et une péricope,…

Thomas Römer La Bible, le mal et nous

Ils ont nui à la liberté d’expression en 2024

Le bâillon d’or est de retour, et 2024 est un sacré millésime ! Ce palmarès annuel, initié par notre journal en 2019 et réservé aux adversaires de la liberté d’expression (en France uniquement, même s’ils sont légion à l’étranger), ne manquait pas de prétendants. La députée (EELV) Sandrine Rousseau oppose un insupportable « oui, mais » à l’emprisonnement de l’écrivain Boualem Sansal dans les geôles du régime algérien. L’Arcom refuse de renouveler la fréquence de la chaîne C8 de Cyril Hanouna. Des poètes, éditeurs ou libraires français s’émeuvent de voir le « réactionnaire » Sylvain Tesson parrainer le Printemps des poètes. Lors du festival LGBT Chéries-Chéris, une fronde aux relents nauséabonds vise à réduire au silence la podcasteuse Julia Layani. Une blague de mauvais goût vaut à l’humoriste Guillaume Meurice…

Ils ont nui à la liberté d’expression en 2024

Sois un « bon Arabe » et tais-toi !

Dans une déclaration faite cette semaine sur une radio, une figure de l’écoféminisme s’est « lâchée » sur le cas de Boualem Sansal, quasi coupable d’avoir fui les champs de coton, version gisements électoraux musulmans en France. « Je souligne que les propos de Boualem Sansal relèvent de l’extrême droite et du suprémacisme. Ce n’est pas un ange, même s’il n’a pas à être en prison », a déclaré la députée EELV-NFP. Bien entendu, ce verdict ne tardera pas à faire les unes des médias de propagande à Alger, avec la caution « verbatim d’une Française ». Cela vaut jugement sans appel. Comment prendre la parole en France quand on est écrivain et algérien ? Évitez de parler si vous manquez de courage par nature. Faites des romans de gare.…

Sois un « bon Arabe » et tais-toi !

Les leçons d’un archipel

Longtemps les politiciens français, fascinés par la Chine, ont ignoré le Japon. L’enthousiasme d’un Jacques Chirac pour ce pays semblait incongru il y a vingt ans. Nicolas Sarkozy, alors son ministre de l’Intérieur, raillait la passion du président de la République pour le sumo : « Comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés ? Ce n’est vraiment pas un sport d’intellectuel, le sumo ! » La roue a tourné. À mesure que la Chine s’enfonce dans le totalitarisme, le pays du Soleil-Levant est devenu un pôle d’attraction fascinant. En dépit de son éloignement, il a accueilli plus de 250 000 touristes français l’an dernier. Sa culture diffère tant de la nôtre qu’on n’en retient que l’exotisme, qu’il soit envoûtant – l’art de vivre raffiné,…

Les leçons d’un archipel

LE PAYS DU SOLEIL SANGLANT

Déflagration. « Terrible combat naval devant Port-Arthur », titre le grand quotidien français Le Petit Parisien le 27 mars 1904. Le 8 février, l’escadre de l’amiral Togo Heihachiro a attaqué par surprise les Russes et coulé trois de leurs bâtiments qui mouillaient devant la ville du sud de la Mandchourie. Le premier épisode marquant de la guerre russo-japonaise, qui verra la défaite des forces tsaristes.…

LE PAYS DU SOLEIL SANGLANT

Et le Japon trouva enfin son unité

La récente série Disney Shogun nous a rappelé la fascination exercée sur l’Occident par le mythe majeur issu du Japon, le samouraï. Un fier chevalier, dévoué corps et âme à son daimyo (seigneur). Ce mythe fut révélé à l’Occident aux deux tiers du XIXe siècle, avec l’ouverture du pays à l’étranger, la vague du japonisme et la diffusion des œuvres de Hokusai, le maître de l’estampe, le premier à utiliser le terme de « manga », au sens d’« image dérisoire » ou d’« esquisse rapide », où il lui arrivait de figurer ces guerriers cheminant solitaires dans de magnifiques paysages. Comme le remarque Julien Peltier au début de son Autre Histoire des samouraïs (Perrin, 2023), ce n’est pas un hasard si George Lucas était venu au secours d’Akira Kurosawa,…

Et le Japon trouva enfin son unité

Apogée et chute d’un empire

DE 1895 À 1942, L’EXPANSION TERRITORIALE LES 10 DATES CLÉS D'UNE ENTRÉE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Entre 1868 et 1945, le Japon connaît une transformation radicale, passant de la fin du shogunat à une expansion impérialiste agressive. Le pays s'engage dans des conflits majeurs et établit son influence sur la région. La surface maximale de l’empire du Japon (1942) 7,4millions de kilomètres carrés, soit près de 20 fois la taille du Japon actuel.…

Apogée et chute d’un empire

La mission qui a tout révolutionné

Le 23 décembre 1871, un navire quitte le port de Yokohama avec à son bord une bonne centaine de personnes. Direction San Francisco. Il ne reviendra au Japon que le 13 septembre 1873 après une odyssée unique dans l’Histoire. Un long voyage d’études entrepris par tout un gouvernement dans les principaux pays d’Occident, mais aussi en Égypte, à Aden, Ceylan, Singapour, Shanghai. Son objectif ? Écrire l’avenir du Japon. Lui faire accomplir un bond dans la modernité, affirmer la structure d’un État-nation en pleine construction par le biais du développement économique et culturel. Sur le navire, les principaux ministres, dont Iwakura Tomomi, qui donnera son nom à la mission, sont accompagnés de 48 hauts fonctionnaires et experts ainsi que de 60 étudiants triés sur le volet, dont 5 femmes. La…

La mission qui a tout révolutionné

À jeu égal avec l’Occident

1902 : la date ne figure pas de manière saillante dans l’histoire du Japon. D’ordinaire, on s’arrête à 1905, parce que l’Empire japonais y inflige sa première défaite militaire à l’homme blanc, en l’occurrence la Russie tsariste, devenant à cette occasion le point de ralliement des mouvements indépendantistes, anticoloniaux, de l’Inde à l’Égypte et au Moyen-Orient. Dans son dernier ouvrage, Le Labyrinthe des égarés (Grasset, 2023), Amin Maalouf rappelait que le Japon fut le premier foyer de la haine de l’Occident au XXe siècle. 1905 représente en effet un coup de tonnerre dans l’équilibre du monde qui laisse augurer un siècle où les cartes de l’hégémonie vont être rebattues. Mais, trois ans auparavant, Tokyo avait déjà signé avec Londres le premier traité égalitaire d’une puissance asiatique avec une nation occidentale,…

À jeu égal avec l’Occident

Opération suicide

Comment une nation asiatique peut-elle en arriver à attaquer un pays dont elle était l’alliée, le pays de surcroît le plus puissant du monde, économiquement comme industriellement ? Si l’agression de l’URSS par l’Allemagne nazie était pour le moins risquée, celle du Japon contre les États-Unis est entrée dans l’histoire de l’humanité comme le très rare suicide d’une nation. Cela n’empêche pas de vouloir la comprendre. « En ce qui me concerne, la guerre avec les États-Unis commence maintenant. Par Dieu, nous aurons notre revanche. » La phrase est du vice-amiral Kato Kanji. Elle ne date pas de 1941, peu avant Pearl Harbor, mais de 1922, après la signature du traité de Washington limitant les armements navals. Les Américains y ont imposé un tonnage annuel de leurs cuirassés qui leur…

Opération suicide

Le péril nippon

Le Japon a eu les honneurs du premier bashing jamais recensé. C’est en 1981 qu’un lobbyiste engagé par le gouvernement de Tokyo, Robert Angel, qui dirige le Japan Economic Institute, établi à Washington, forge, en effet, l’expression Japanbashing. Il entend dénoncer l’antijaponisme injuste dont les produits japonais, notamment les voitures et l’électronique qui envahissent le marché américain, font l’objet. Depuis le choc pétrolier de 1973, mieux encaissé par le Japon que par ses concurrents occidentaux, les Nissan et les Toyota prennent le pas, en Amérique même, sur les Chrysler, Ford ou General Motors. Le chômage, la misère leur sont imputés. Lors de sa campagne présidentielle en 1980, Reagan fait de Tokyo une de ses cibles privilégiées. C’est donc pour le Japon que Robert Angel invente le « bashing », l’«…

Le péril nippon

Okinawa en état d’alerte

Vrouaaaaa ! Le sonomètre s’emballe, son compteur numérique vire au rouge et passe, en quelques millisecondes, de 60 à 110 décibels. À environ 200 mètres, deux avions de chasse américains décollent dans un boucan d’enfer de la base de Futenma. Ils sont si proches que, s’ils ne volaient pas aussi vite, on pourrait distinguer les pilotes dans leurs cockpits. Depuis la terrasse du centre commercial, de l’autre côté de la route, on jouit d’une vue plongeante sur la piste. Ce serait la même chose depuis le balcon d’un appartement alentour tant cette installation militaire ultrasensible – qui abrite 3 000 soldats de la 1st Marine Aircraft Wing – jouxte la population civile. Jets de combat, hélicoptères, transporteurs lourds… En une demi-heure, une demi-douzaine d’appareils orchestrent un ballet assourdissant. La préfecture…

Okinawa en état d’alerte

Impérialement vôtre

«L’empereur est le symbole de l’unité de la nation, celui qui nous rassemble », nous répond d’emblée Shusen Yamasaki, célèbre maîtresse de koto (cithare japonaise sur table à 13 cordes). Ce 18 novembre, cette octogénaire s’est rendue à la porte d’un domaine impérial de Tokyo pour signer le registre de condoléances quand s’en est allée dans l’au-delà, à l’âge de 101 ans, la princesse Yuriko de Mikasa, la doyenne de la famille. « C’est important pour nous de venir témoigner notre respect. » Des milliers de personnes ont dit aussi adieu à la belle-sœur de Hirohito, dernière figure vénérée de l’ancienne génération. Pour le Nouvel An ou l’anniversaire du souverain, le grand public est autorisé à traverser les jardins du palais impérial pour agiter de petits drapeaux du Japon devant…

Impérialement vôtre

Le pays où l’on « s’évapore »

En cette fin octobre, Hokkaido a basculé dans l’hiver. Il fait – 2 °C et la nuit se couche dès 16 heures sur l’île la plus septentrionale de l’archipel japonais, voisine de la Sibérie. Hiromi Shimizu nous attend dans son logis sans charme de la grande banlieue de Sapporo, la métropole régionale. Si ce frêle brin de femme de 54 ans a accepté de nous recevoir, c’est parce qu’elle pense que médiatiser le malheur qui la frappe est peut-être sa dernière carte. Solliciter la police, envoyer des centaines de SMS et de courriels, embaucher un détective, faire de coûteux voyages à Tokyo, la lointaine capitale à 1 200 kilomètres au sud… Elle a tout tenté. En vain. Alors, recevoir un journaliste occidental ? Pourquoi pas. C’est d’ailleurs en entendant parler…

Le pays où l’on « s’évapore »

Un sexe (très) faible

Habillées en soubrette, elles sont une dizaine à aguicher le chaland dans les rues du quartier Akihabara de Tokyo. Rin tend son prospectus aux hommes. « C’est une invitation pour aller discuter là-haut, dans le maid café [bar où les serveuses sont en uniforme de domestique, NDLR], avec boissons à volonté, explique cette étudiante qui travaille ainsi depuis six mois. J’aime bien parler, et donc, je passe du temps ainsi avec des hommes de tous âges. On parle de leur vie professionnelle, de leurs loisirs. Ça les libère de leur stress. » Elle n’hésite pas à leur communiquer d’entrée de jeu son compte X (ex-Twitter), où ils pourront poursuivre leur conversation. Lycéenne : un fantasme lucratif Postée 200 mètres plus loin, Lili, elle, avoue être encore au lycée, doncmineure. La…

Un sexe (très) faible

Pour les passionnés de manga, l’existence d’une star appelée Nana Komatsu, dont les moindres faits et gestes captivent les foules, est une incroyable coïncidence. Un « miracle », lit-on même sur un forum Reddit où l’on discute entre fans. Car le manga Nana – dont les 21 volumes ont paru de 2000 à 2009 – avait déjà inventé une héroïne nommée Nana Komatsu, ravissante avec sa longue chevelure souple et ses traits fins, aimée pour sa gentillesse et sa générosité. Née en 1996, la véritable Nana Komatsu est trop jeune pour avoir inspiré directement ce personnage qui porte son nom à Ai Yazawa, le mangaka à l’origine de Nana. Mais elle a beaucoup de points communs avec cette figure romanesque qui a fait rêver des générations de Japonais. Repérée dans…

À tout senior, tout honneur

Avec son costume sur mesure anthracite, sa chemise immaculée à fines rayures bleues, son duo pochette-cravate assorti et sa mine impénétrable, Makoto Utsumi ressemble au cliché que l’on se fait du haut serviteur de l’État japonais. Si ce n’était ces touches étonnantes de francophilie : l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur accroché au revers de sa veste, et la langue de Molière qu’il manie à la perfection. Pour nous le démontrer, il se met d’ailleurs à décliner par cœur le patronyme complet de l’un de ses écrivains tricolores favoris. « Jean-Marie-Mathias-Philippe-Auguste, marquis de Villiers de L’Isle-Adam ». Et dire que cet érudit de 90 ans a pris sa retraite il y a seulement… deux ans ! Haut fonctionnaire au ministère de l’Économie, vice-ministre des Finances pour les affaires internationales,…

À tout senior, tout honneur

Nos amis les robots

C’est un robot capable de conduire un patient du lit à son fauteuil roulant. Cet humanoïde a été conçu par le groupe japonais Kawasaki Heavy Industries, principalement connu jusqu’ici pour ses motos, qui s’est appuyé pour l’occasion sur les travaux de l’Institut national des sciences et technologies industrielles avancées. Haut de 1,70 mètre et surnommé Friends, ce robot n’en est encore qu’au stade de prototype, mais son sens de l’équilibre impressionne. Le Japon applique à la vie de tous les jours l’expérience acquise dans les robots industriels. En effet, juste après la Corée du Sud, Singapour, l’Allemagne, le pays du Soleil-Levant compte la plus grosse densité de robots industriels : pas moins de 397 pour 10 000 employés. Championne de cette catégorie, l’entreprise Fuji Automatic Numerical Control s’est imposée depuis…

Nos amis les robots

Insensibles, les Japonais ?

Dans son roman Quatre Sœurs (Sasameyuki en japonais), publié sous forme de feuilleton entre 1941 et 1942 dans la revue littéraire Chuo Koron, le grand écrivain Junichirô Tanizaki décrit la scène suivante : quelques jours après un tremblement de terre suivi d’un tsunami, une Allemande retrouve son mari qu’elle croyait disparu. Le couple se livre à des effusions à grand bruit et flots de larmes devant les quatre jeunes femmes, qui sont choquées qu’ils « s’embrassent étroitement sans respect humain ». Pour leur part, en débarquant au Japon au milieu du XIXe siècle, les Américains avaient été scandalisés par l’indécence des Japonais, qui faisaient peu de cas de la nudité et ne la trouvaient ni immorale ni primitive. Il était en effet alors courant de voir des femmes seins nus…

Insensibles, les Japonais ?

Keiichirô Hirano « Notre éducation nous incite à ne pas poser de problèmes à autrui »

Lauréat, à l’âge de 23 ans, du prestigieux prix Akutagawa pour son premier roman, L’Éclipse, Keiichirô Hirano, traduit en France chez Picquier et Actes Sud, est depuis un quart de siècle un auteur incontournable du milieu littéraire japonais, un des rares aussi qui osent aborder de front des sujets de société clivants et critiquer publiquement les orientations politiques ou la diplomatie du pays. Le Point : Les antihéros de vos romans qui sont en quête de leur identité reflètent-ils une société japonaise déboussolée ? Keiichirô Hirano : La société civile japonaise est très fragile. Les Japonais n’attribuent pas au mot « shimin » [« citoyen », NDLR] le même sens que les Français. Cette conscience citoyenne est faible au Japon. Peu de Japonais imaginent qu’ils vivent pour apporter quelque chose…

Keiichirô Hirano
« Notre éducation nous incite à ne pas poser de problèmes à autrui »

Sugimoto, l’art d’observer

L’expérience commence dès le trajet qui mène de la gare de Tokyo à l’Observatoire d’Enoura, ce lieu imaginé dans ses moindres détails par le photographe Hiroshi Sugimoto. Emprunter le train à grande vitesse Shinkansen, dépasser les buildings du quartier d’affaires d’Otemachi, laisser la campagne se découvrir et apercevoir, si le ciel est clair, l’iconique mont Fuji avant d’arriver à Odawara… Puis une vingtaine de minutes en taxi pour longer la baie de Sagami et ses pêcheurs patients installés devant leur ligne – une forme d’ascension pour accéder à cet endroit unique en son genre, culminant à plus de 100 mètres au-dessus de la mer. Si quelques-uns de ses tirages y sont accrochés, Sugimoto souhaite ici « transmettre l’essence de la culture japonaise au plus grand nombre » et faire réfléchir…

Sugimoto, l’art d’observer

Uniqlo, les clés d’un succès

Bienvenue à Uniqlo City, une ville dans la ville. Depuis 2017, c’est au sixième étage de ce bâtiment de la baie de Tokyo, dans le quartier encore en développement d’Ariake, que se sont installées les équipes de la marque japonaise : 18 750 mètres carrés, soit la taille d’un bloc new-yorkais, organisé en trois parties (Uptown, Midtown, Downtown). Un concept architectural pensé pour que les salariés se rencontrent et échangent, avec des allées larges comme les trottoirs de la « Grosse Pomme », des salons ici et là et deux cafétérias, dont une où l’on passe des vinyles pendant la journée. Portée par cette même volonté de réunir les équipes, une assemblée se tient tous les mois dans le « Great Hall », inspiré du théâtre kabuki et considéré comme…

Uniqlo, les clés d’un succès

À pieds joints

Pendant un mois, Margaux Bengasini, 26 ans, et Alexandre-Benoît Naneix, 34 ans, ont expérimenté la vie d’artisans tokyoïtes. Tous les jours de ce mois d’octobre, les deux cordonniers-bottiers, lauréats français des 4es J.M. Weston Foundation Awards, ont travaillé à la manufacture Scotch Grain, dans le quartier d’Ueno, réputé pour son artisanat de la chaussure. Fondé par le père de Masakazu Hirokawa, actuel dirigeant, cet atelier familial qui vient de fêter ses 60 ans réalise mocassins et derbies avec des techniques comme le cousu Goodyear, né aux États-Unis, qui témoigne de la fascination des Japonais pour les savoir-faire occidentaux. « Le processus, la gestuelle et les machines se ressemblent, mais la façon de travailler n’est pas la même. Certaines étapes sont réalisées assis sur un tabouret plutôt que debout et, le…

Tokyo, capitale de la mode vintage

Un jean Levi’s, une veste de travail des années 1960 ou une chemise Comme des garçons… Tokyo est réputée pour être l’une des meilleures villes où chiner des vêtements de seconde main. Un formidable terrain de jeu, rendu encore plus intéressant avec la baisse du cours du yen. « Les Japonais possèdent une grande culture du vintage et sont fascinés par les vêtements et les objets de qualité, uniques, avec une histoire », observe Émilie Casiez, designer de la ligne féminine de Nigel Cabourn, qui se rend plusieurs fois par an au Japon pour dénicher, elle aussi, des perles rares. Sur les portants des échoppes, par dizaines dans certains quartiers, des tops de football américain, des chemises Ralph Lauren ou encore des tee-shirts d’universités, témoignages de l’engouement du pays pour…

Tokyo, capitale de la mode vintage

C’est une adresse difficile à trouver, et cela fait tout son charme. Au milieu des buildings du quartier des affaires d’Otemachi, à deux pas du palais impérial et de la gare de Tokyo, le Hoshinoya est une expérience en soi. Il faut le trouver, donc, puis laisser les portes en bois s’ouvrir pour être accueilli en se déchaussant avant de filer au deuxième étage faire le check-in. Bienvenue dans le seul ryokan de la capitale japonaise, ces auberges de campagne mêlant hébergement, restauration et sources chaudes. Signé par l’architecte japonaise Rie Azuma, ce Hoshinoya – marque de luxe de Hoshino Resorts – coche les trois cases. L’hébergement tout d’abord, avec des chambres à la décoration traditionnelle : tatamis en paille séchée au sol, paravents coulissants en papier Shoji, mobilier en…

Satoshi Kuwata ou l’esthétique de la rencontre

Il aime la pêche à la mouche, le vin rouge et la cigarette, qu’il fume avec le même plaisir qu’un de ses aînés, Yohji Yamamoto ; il voyage à Paris où il passe, à Milan où il vit, au Japon dont il vient ; il s’inspire des ateliers des tailleurs de Savile Row, qu’il fréquenta après ses années à la Central Saint Martins, de la campagne japonaise de son enfance et des histoires oubliées de samouraïs en Égypte… Une épopée folle qui vit, en 1862, partir une ambassade de l’empire du Soleil-Levant vers l’Occident pour tenter de mieux le comprendre et de retarder l’inéluctable ouverture du Japon au commerce international. Une deuxième expédition suivra en 1864 pour tenter de convaincre la France d’accepter un traité – ce qui échouera mais…

Satoshi Kuwata ou l’esthétique de la rencontre

Grand Seiko, à l’heure nipponne

L’épopée débute à Tokyo, au sein de la Seiko House, nichée dans l’un des bâtiments les plus emblématiques du Japon dont le sommet abrite la célèbre horloge Seiko à quatre faces. Direction l’Atelier Ginza. C’est ici, dans une salle à humidité et température contrôlées qu’officient les meilleurs horlogers de Grand Seiko. Ce jour-là, le maître artisan Takuma Kawauchiya est présent. Il est l’inventeur, en 2022, de la Kodo (« battement de cœur » en japonais), soit la première grande complication de Grand Seiko, qui associe pour la première fois dans l’histoire de l’horlogerie un tourbillon avec un mécanisme à force constante. Une pièce révélatrice de toute l’expertise de Grand Seiko, maison animée par une quête constante de la perfection, comme l’exigent l’esprit nippon et celui de Kintaro Hattori, fondateur en…

Grand Seiko, à l’heure nipponne

La nature du précieux

Le Japon a longtemps vécu sans bijoux tels que nous les concevons. Les accessoires de coiffure recouverts de laque dorée en relief takamaki-e (peignes de nuque ou peignes droits de tailles décroissantes, à décor de fleurs de prunus ou à motif de chrysanthèmes) les inrôs, les étoffes et la ligature de l’obi faisaient office de joyaux. Le réveil forcé du pays en 1853 a modifié des siècles de codification artistique. Tandis qu’en Occident les estampes, les laques, les cloisonnés ou autres curiosités trouvèrent le chemin des Expositions universelles, le pays du Soleil-Levant succomba lui aussi à une curiosité pour les habitudes venues d’ailleurs. « Les bijoux au Japon ont disparu après la période Heian et ne sont réapparus qu’à l’époque Meiji, et plus précisément sous l’ère Rokumeikan, explique le collectionneur…

La nature du précieux

L’autre grand du whisky

Au milieu des années 1990, les whiskys à la mode, ce sont les single malts. En pole position, l’Écosse, réputée pour ses whiskys typés et complexes, à ranger dans la catégorie des grandes eaux-de-vie de dégustation. À l’orée des années 2000, la machine s’emballe et, pour répondre à une demande qui explose, les marques proposent une multitude de cuvées limitées. Des single casks, whiskys provenant d’un unique fût (cask, en anglais), ou des séries confidentielles issues de l’assemblage d’une petite quantité de fûts (small batch), qui sont produites à quelques dizaines ou à quelques centaines d’exemplaires. Élaborées à partir de vieux et rares whiskys, ces cuvées font le bonheur des amateurs, qui se les disputent et les collectionnent. La demande mondiale provoque, en quelques années, raréfaction et flambée des prix,…

L’autre grand du whisky

Fulgurances de comptoir à Shibuya

C’est une adresse que l’on se chuchote entre initiés et qui constitue le Graal de toute expérience tokyoïte : dans une rue discrète et étonnamment calme de Shibuya, quelques marches descendent vers cette izakaya – un mot intraduisible désignant un établissement qui tient du comptoir et de la taverne. Loin de l’univers policé des grands restaurants de kaiseki ou des comptoirs à sushis jouant du silence et de l’immaculé, on vient vibrer ici autour d’un bar où se retrouvent, au coude-à-coude, habitués et visiteurs, qui ont tenté leur chance en début de service vers 19 heures – ou qui ont réussi un exploit, réserver. Car c’est bien autour des marmites et petits ustensiles de grillades qu’il faut être – plutôt qu’en salle – pour goûter l’effervescence joyeuse du chef Narukiyo,…

Fulgurances de comptoir à Shibuya

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